23 May 2007

Beethoven ne sera pas mondialisé !

« Mondialisation » est un mot qui en inquiète beaucoup, synonyme qu’il est pour eux de réduction à un plus petit commun dénominateur (le plus souvent mercantile), de rabotage, de perte d’identité, d’uniformisation. Eh bien, au Concours Svetlanov, Beethoven n’a rien à craindre, il ne sera pas mondialisé !

Evidemment, on pourrait croire que le premier antidote au mal craint est tout simplement l’origine nationale des candidats. Ils viennent en effet d’un peu partout, d’Espagne et du Japon, de Bulgarie et d’Israël, de Finlande et de Suisse, et de bien d’autres latitudes et longitudes encore de notre planète. Mais le raisonnement n’est pas aussi logique ni juste qu’il en a l’air : le Japonais a poursuivi une spécialisation de haut niveau en Finlande, le Bulgare s’est formé en Autriche, beaucoup ont été les disciples de tel ou tel même grand chef. Ils appartiennent donc à des écoles, à des systèmes, à des réseaux qui pourraient les « formater ».

Mais nous sommes dans le domaine de l’art et plus précisément dans celui de l’interprétation. Beethoven, lui-même, nous offre une œuvre définitivement « ouverte ». Même si on lui reconnaît « un sens », même si elle installe une atmosphère, elle est telle que chacun de ses interprètes, sans la trahir, peut l’investir et la nourrir de sa propre personnalité, peut « l’accomplir ». Et les candidats nous le prouvent : ils ne se réduisent pas à leur origine nationale ou aux contours de leur formation, ils expriment un tempérament, ils nous disent leur rapport à l’œuvre et à l’orchestre, ils possèdent leur langage corporel et gestuel, et ce que chacun nous propose, c’est un Beethoven original, chaque fois « ni tout à fait le même ni tout à fait un autre » !


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En voici les preuves concrètes apportées par les candidats de ce mardi 22 mai.

Cyril Englebert (Belgique, 24 ans) – premier mouvement de la cinquième symphonie. Ses gestes, très précis, ont une belle ampleur et sont vraiment explicites. Sûr de lui, « souverain » dans sa conduite, maîtrisant les variations d’intensités (jolies montées en crescendo), il nous offre un Beethoven romantique mais sans mièvrerie. Avec un orchestre qu’il a manifestement subjugué, ce jeune chef propose une vision globale cohérente du morceau, dont il reviendra, par la suite, préciser des détails.

Sasha Mäkilä (Finlande, 34 ans) – premier mouvement de la septième symphonie – est un conducteur raffiné (ses gestes sont déliés), à la présence affirmée (ainsi, on note le contraste entre son apparence chétive et la vigueur de sa parole ; on remarque le dynamisme qui émane de toute sa personne), à l’autorité réelle. Sur le plateau, il est chez lui : « Oh ! » s’exclame-t-il, déçu, quand le Jury l’interrompt.

Debora Waldman (Israël-Brésil, 29 ans) – premier mouvement de la cinquième symphonie – est « féminine » dans son élégance, sa gestuelle délicate, le délié de sa main gauche. Ses directives sont claires et, sollicitant parfois leur avis, elle mène un dialogue constructif avec les musiciens de l’orchestre. Elle exige d’eux la finesse qui la caractérise.

Jean-Luc Tingaud (France, 37 ans) – premier mouvement de la cinquième symphonie – interrompt rapidement l’orchestre pour expliquer longuement ce qu’il désire : il a pensé son interprétation. Ses commentaires révèlent aussi son désir de prouver combien il est attentif au rôle des différents pupitres. Quand il « se laisse aller », ses propositions ne manquent pas d’intérêt.

Benjamin Rous (Amérique, 29 ans) – premier mouvement de la septième symphonie – dirige sans partition. On remarque immédiatement la légèreté de ses gestes, le langage explicite de sa main gauche. Très consciencieux, il explique beaucoup. A la suite d’une reprise, il complimente un orchestre, qui lui est favorable.


En conclusion : c’est donc quatorze Beethoven que nous avons déjà rencontrés lors de ces deux premières séances. Encore quatre ce mercredi, avant les premiers choix du Jury !

Stéphane Gilbart et Suzanne Faber

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